Souvenir de ce qui a été, regret de ce qui n'est plus....

 

Liliane qui rentre d'un voyage en Tunisie, nous raconte ici, à chaud, son pèlerinage à Menzel Bourguiba; sa découverte de la ville avec en toile de fond  les souvenirs nostalgiques de Ferryville qui lui reviennent en permanence à l'esprit.

 

 

VISITE A MENZEL BOURGUIBA

 

 Menzel doit être visité plusieurs fois pour retrouver Ferryville de notre enfance et s’imprégner de ses odeurs et de ses habitants.

 

Le centre s’est déplacé.

 

Toujours très animée, la place du Marché avec son Kiosque à Musique.

Une visite du marché s’impose, l’odeur des volailles vivantes, odeurs  un peu oubliées, les étals de poissons, les boucheries, quelques tortues dans un panier .

Il manque un peu les crèmeries, les charcuteries avec leurs odeurs de pâtés et de chaussons dorés.

L’incontournable Pharmacie Vassalo, le magasin Robana, le café de Paris, le Monoprix, la poste, la mairie, la salle des fêtes, le petit jardin public, un cinéma  le Ferry-ciné je crois avec ses séances de ciné-club. Une coquette station service qui me semble t-il appartenait aux parents de Jean Claude Fiordarancio –

Une odeur de pétrole me rappelle un marchand ambulant « Pitrooooole » . La rue qui monte aux arcades avec ce fameux gratte-ciel qui me semble si petit à présent . L’église sans clocher certes mais imprégnée des nombreuses fêtes qui ponctuaient notre enfance, mariages, baptêmes, communions, fêtes Dieu, Mois de Marie.

On contourne l’église, le presbytère, l’école Ste Agnès, la salle Ste Bernadette avec ses documentaires sur l’évangélisation, l’école St Joseph avec ses kermesses, qui s’en souvient ? avec ses jeux de boules, la pêche et surtout la poste restante………  grâce à qui des amours naissaient . 

 Les écoles primaire et maternelle laïques. Là le nom d’une maîtresse me revient à l’esprit Mlle GUEDJ, école des garçons.

 

Un petit détour pour revoir la rue de notre pâtissier Sylvestro, l’odeur des choux à la crème, des millefeuilles, les glaces vanille/Pistache .

 

L’emplacement du Farfadet cher à nos cœurs.

 

Un petit pincement au cœur de voir les initiales de mon père sur une boulangerie fermée. J’ai essayé de fermer les yeux pour retrouver,  les odeurs de pain frais de levain, des plats au four des dimanches et jours de fêtes qui embaumaient les rues, là je ne m’étendrais pas ……..

 

 La Maison Rais fermée , le café maure fermé, la petite place semble vide .

 

 Le café des bretons fermé aussi.

 

Vous souvenez- vous, le dimanche soir les brochettes et les merguez grillées de notre ami Jeanfré servies avec de l’harissa, de l’huile et de l’oignon coupé. Toutes ces animations avec les marins en tenue qui chantaient << Ils ont les chapeaux ronds , vive la Bretagne ….>>.

 

 Je suis aussi passée  devant la cour de notre petit cordonnier Gionineggio, le souffre douleur de nos jeux d’enfants .

 

Dans la rue des arabes, hélas, plus de beignets. Une vieille boulangerie tenue autrefois par mes grands parents est en pleine expansion jouxtant la cour de notre ami Bonami avec son triporteur à bras et ses brioches au sucre .

 

Des granitas à la fraise au citron et un vieux Monsieur qui disait en guise de slogan « granita, granita Chi si la mangia, si marita » .  Pizzo ou Rizzo, je ne me souviens plus très bien.

Des noms me reviennent à l’esprit, Cananzi, Adamo, Gilioli, Bergamine (les coquins ne chercher pas pour le dernier, ma mère m’a dit de ne pas le citer …………   à savoir pourquoi ????????? Mais aujourd'hui il y a prescription .

 

 Je remonte sur le cinéma l’Olympia et là j’imagine les loges en velours rouge, son balcon, l’odeur des glibettes  enveloppées dans un papier journal.

 

Un passant, me voyant pensive devant la bâtisse calcinée, me demande si j’ai l’intention de l’acheter et de la faire revivre.

La petite Sicile ou la grande Sicile, je ne me souviens pas, en tout cas détruite car trop vétuste.

 

Je continue le long des caroubiers, les pavillons des cités maritimes, là quelques noms attirent mon attention,villa Mireille, Mon Paradis, Mon plaisir. De nouvelles maisons ont poussé, d’un style différent qui cohabitent avec nos maisons <<coloniales>>, le mot ne me plait pas trop, je préfèrerais dire les maisons de nos maçons italiens.

 

Je remonte sur le Temporaire, la grande avenue menant à l’hôpital, l’Arsenal, les bâtiments militaires. La kermesse du l4 juillet avec son assiette au beurre .

 

 Guengla .

 

Au fur et à mesure je découvre les odeurs de Varech, cette magnifique étendue d’eau salée, ce sable, j’imagine les guinguettes au bord de l’eau. J’ai une pensée pour notre ami Robert Busque qui revit devant tant de beauté et là je rencontre une autre personnalité, le Belmondo, Béchir .

 Béchir qui est revenu vivre à Guengla entouré de ses frères de passage et de sa mère .

 Accueil chaleureux , il me cite des noms que j’ai un peu oublié.

 

Plus beau que Belmondo le Béchir avec ses lunettes noires et ses cheveux blancs.

 

Il me montre avec des yeux larmoyants  une barque avec laquelle  les cendres de Robert Busque ont été éparpillées.

 

 

Il me dit qu’il pense souvent à ces années de jeunesse et combien avec ses amis restants, ils se sont sentis comme orphelins dans les années l960 .  Comme nous, ils ont cherché  de nouveaux repères, comme nous ils ont fait leur vie, certains sont à la retraite .

 

Je revois ces amis avec qui nous avons partagé tant de choses. Je ne cite pas de nom chacun se reconnaîtra.

 

Le soir, je suis conviée à une soirée chez les frères Tardi , Rosario  (Malek), Jean Claude et le jeune Imène. Les vins Tardi vous connaissez ?????, ils ont fait revivre et prospérer le savoir de leur père. Un vin qu’il faut goûter . 

 

Chacun amène son instrument (guitare, piano synthétique, tabourka), le répertoire de Dalida, Bob Azam, Jos Ancarson avec le bleu de l’été et le temps de l’enfance – you are my destiny d’Elvis Presley .

 

Les chansons de Brel, de Brassens, des chansons lancinantes Farid el Attrach, Oum Kalsoum.

 

Un ancien ami d’enfance arrive en toute simplicité de Tunis, il a eu connaissance de mon passage ....

 

Merci à tous pour ces témoignages d’amitié.

 

Il me faut aussi parler de l’école des sœurs .

 

Je n’ai pas osé entrer, j’irai lors d’un prochain séjour .

 J’imagine ce préau, cette cour de récréation avec le grenadier, la grotte de Bernadette. Les odeurs d’encre violette, de javel et de cire, nos doigts tachés .

 

Le premier étage de l’école avec ses grandes coursives . Les classes des grandes et surtout la vue que nous avions sur le champ, les coquelicots, les boutons d’or au printemps.

 

Je revois aussi le réfectoire avec  sa soupe aux choux et son pain trempé que je n’arrivais pas à avaler, mauvais souvenir ça !

 

Ces chères sœurs, Elisabeh, Bernadette, Odile, la mère supérieure, Mère Aurélie qui nous ont tant appris ……La grammaire, les tables de multiplication qu’on ânonnait avant d’entrer dans les salles de cour, le civisme, la charité chrétienne.

Des noms de camarades de classe me reviennent à l’esprit : Jacqueline, Nicole, Viviane, Marie-Louise, Maguy, Anne Marie, Josiane, Zène (zeineb),  fouzi  (Faouzia), qui vivent encore là bas et dont l’accueil  fut des plus chaleureux.

 

 Et puis bien sur l’inévitable visite au cimetière; cimetière ou seulement quelques tombes sont entretenues. Je prends aussi un accord avec la gardienne qui fait ce qu’elle peut, elle ne dispose pas de beaucoup de moyens.

Il faut aussi dire que les cimetières juifs et musulmans ne sont pas mieux entretenus.

 

Puis pour rentrer sur Bizerte, le passage par  le stade  Borelli je crois,  le Transval, le passage à niveau, la briqueterie.

 

 et surtout Tindja –

Tindja qui fait corps avec Menzel, la gare qui rappelle tant ces voyages sur Tunis. Le coup d’œil sur la montagne de l’Ichkeul avec ses couchers de soleil inimitables; cette étendue d’eau, ce lac ou j’ai aperçu des flamands roses et une végétation aquatique que je ne saurais nommer. Des instants de vie inoubliables.

 

J’ai voulu aussi revoir le bois de Boulogne, souvenez vous au moment des fêtes de Pâques les mimosas en fleurs.

 

Les pique-niques avec l’omelette froide bien cuite des deux faces enveloppée dans des torchons. Les escalopes de veau panées, les pizzas avec la pâte épaisse, l’inévitable salade juive et le gâteau palestinien cuit avec le four palestinien. Un peu estouffe belle mère bien sur.

 

                  Septembre 2004

 

Liliane Randazzo

 

liliranda@noos.fr