FLÂNERIE dans MENZEL-BOURGUIBA
Lorsque je me ballade dans les rues de la ville, je reste toujours
une petite fille. Celle qui allait et venait avec sa bande de
copines.
L'animation commence à partir du hammam central. J'aime bien
passer devant le hammam, les portes sont belles et bien rénovées; une odeur de propre et de bois brûlés se dégage. Je ne crains
plus les "Djouns ", il y a longtemps que je les ai apprivoisés.
IL y a toujours en angle - Le "Djerbien" , comme on l'appelait.
Certainement le petit fils de celui que nous avons connu.
Les présentoirs en bois sont les mêmes : les converses de
tomates, d'harissa , le "caca de pigeon" qu'on peut acheter en
tranche. J'ai envie d' acheter quelques épices, en vrac, les
mêmes qu'on trouve en France, bien sûr. Je prendrais bien de la Mélhouria au détail.
.
Je pense aussi à ce fameux colorant alimentaire dont on se
servait pour colorer les oeufs durs. .
Vous savez ! pour les "campanares" au moment des fêtes de pâques.
Avez-vous maintenu, la tradition , pour vos petits
enfants ????????????
Un petit souvenir me revient à l'esprit : lorsqu'on m'envoyait
acheter du concentré de tomate au détail, chez l'épicier du
coin , le paquet était bien entamé en arrivant, - des doigts
gourmands étaient passés par là......, j'y pense à chaque fois que
j'ouvre une boite de concentré de tomate.
Ce sont des souvenirs qui me mettent en gaieté .
Beaucoup de jeunes hommes dans les rues, les plus hardis me
demandent : qui je suis ?
Timidement, je leur dis, Liliane RANDAZZO ,
Ah! Bent RANDADZO !
Tu es la fille du Boulanger? On a connu ta famille.
Difficile de se séparer de sa famille. Mais ce n'est pas elle que
je suis venue chercher, c'est plutôt mon quartier.
Souvent ces jeunes garçons appellent leurs
grands-pères à la
rescousse..
BIZARRE, BIZARRE ! Le pépé, à peu d'années près, est de la
même génération que moi......
Et, le processus s'enclenche , tu te rappelles ?
Du Farfadet, de la retraite aux flambeaux, de l'Olympia avec la
sonnerie qui nous annonçait le moment d'entrer dans la salle: et,
la bousculade qui s'ensuivait, le meilleur instant, lorsqu'on
attendait avec notre cornet de Glibettes.
Et, de l'éclipse solaire, tu te souviens?
Nous avions fumé des lunettes avec de la bougie, c'était en l959 ou l960.
J'ai honte, je l'avais un peu oublié l'éclipse solaire.J'étais
pourtant en sixième.
Et,
Tu fais le couscous aux poissons, ????????? et les ganaöïa
avec le mouton................
la lablabi..........les frisasses, les bricks ................
tu joues à la Skouba ????????????? Ces parties qu'on a fait au café
de Paris!!!!!!!
et, à l'école: les parties de billes, le Montarot forcé , la
toupie .............. les noyaux de Mouchm'ech ..............
Ya Hasra!!!!!!!!! il y avait aussi le Rimmouleur, le Robavecchia,
le vitrïiiiier
Ces souvenirs heureux sont restés dans leur mémoire, on en
parlerait pendant des heures. Un peu de leur jeunesse qui revient.
Je remonte sur l'ex-pharmacie Rochegude, je cherche ces fameuses
affiches de cinéma dont un ami m'a parlé,
J'essaye aussi de retrouver les maquettes de bateaux qui se
trouvaient dans une vitrine de la maison Penhoët - plus rien !
mais l'avenue est noire de monde, les cafés sont pleins. Une
population essentiellement masculine, il faut se rendre à proximité
du Monoprix pour voir des dames affairées à leurs courses.
Je passe aussi devant l'ancien cinéma Rex qui est devenu un café à
présent, le café Rex. Une belle bâtisse rose . Le petit frère du
cinéma l'Olympia. Là, pas de sièges en velours rouge, mais une
salle de plein air pour les soirs d'été.
J'ai entendu parler de la grande Sicile qui a été détruite car trop
vétuste;
Derrière les arcades, à gauche en remontant l'église, je retrouve
l'emplacement, un grand terrain vague. Une pensée émue pour toutes
ses familles italiennes. Je me souviens des fêtes les soirs d'été ou
chacun y allait de sa mandoline ou de son banjo.
.
Qui? n'as pas eu une tante ou une connaissance habitant la grande
Sicile.................
Il me faut aussi aller au cimetière ; je me sens attristée tout à
coup -
J'y suis : appel à la gardienne - Cela me dérange de ne pas entrer
librement. La veille, il a plu,
beaucoup
de boue dans les allées, c'est triste un cimetière en Automne. La
magie du printemps a disparu.
J'ai en tête de demander à voir le registre des sépultures - On me
présente un grand livre , qui avait dû être un répertoire, en
mauvais état,
Je me sens mal à l'aise devant tout ça.. J'aimerai être seule pour
pouvoir l'examiner un peu plus en détail.
Les pages sont mélangées, un gros travail de restauration serait
nécessaire.
Les conditions présentes ne s'y prêtent pas, il faudrait une journée
de travail pour commencer à y voir un peu plus clair - Pourtant, il
semble être à jour, les transferts de corps sont bien enregistrés -
Encore une fois, palabre avec la gardienne pour entretenir un peu
les allées, au lieu de l'entendre dire qu'elle va m'envoyer des
photos qui n'arrivent jamais - Bon, c'est vrai ! que la tombe de mes
parents n'est pas complètement abandonnées, des tombes sont mêmes
fleuries.
Je pousse voir mon ami Béchir et sa famille à Guengla. Là, toujours
le même accueil chaleureux. Il m'offre une Bogga Cidre, j'en avais
oublié le goût.
Merci
Béchir .
Ensuite, visite à quelques amis, :
Titi qui me raconte que sa maman l'amenait au SLOM pour faire ses
vaccins.
il a aussi le souvenir d'une attraction qui l'a marqué et qu'il me
raconte avec un certain effroi,
Dans l'arrière salle du café Max, il y avait une estrade sur
laquelle était posée un grand carton avec une grosse tête avec des
yeux globuleux qui oscillaient dans tous les sens.
Moyennant
un ticket, petits et grands pouvaient voir ce spectacle. Il se
souvient surtout de la peur et de l'horreur qu'il avait ressenti et
que pendant un certain temps, il refusait de dormir tout seul.
Rencontre avec Halima et Ahmed, les parents de notre jeune caméraman
du Mexique - Ryad Jedda -Ahmed est passionné par ses canaris,,
Halima une femme dynamique qui milite pour la condition de la
femme Tunisienne . Halima me monte l'album photo de son fils et
son petit fils , un vrai bonheur. Halima aussi était élève à
l'annexe du lycée Stéphen Pichon -
Si tous les élèves de ce lycée pouvaient se donner la main,
on ferait une ronde, une ronde .................
Rencontre ensuite, avec Monsieur Mohamed Chocolat - pour ceux qui
l'ont connu, Il me raconte en toute simplicité, que son sobriquet
remonte à ses années, de jeunesse, où avec son frère Ali, il
travaillait , lui comme chimiste à l'hôpital Sidi Abdallah, son
frère comme chaudronnier à l'arsenal . Au moment du
casse-croûte,
alors que tout le monde saucissonnait, eux prenaient une grosse
barre de chocolat -
Monsieur Chocolat me parle de la plage Cellier à Guengla , où il
y a des traces de ce fameux fossé qui servait à faire passer les
voiliers pour les amener jusqu'à l'embarcadère au
moment des courses nautiques. Cette plage était réservée aux
militaires.
Nous avons, quant à nous, plus de souvenirs du café Grisoni à
Guengla Plage. des bals et de la bombe a-t-o-m-i-q-u-e. Messieurs à
vos cavalières ..............légères si possible.
La plage Rondeau, les efforts qu'il a fait pour continuer à
entretenir ces cabanons, avant que la plage ne soit détruite et ne
devienne un dépotoir pour recueillir les déchets de l'usine
avoisinante.
il me parle aussi de "Kaolichedge" un marchand de salade avec un âne
qui passait dans les rues de la ville en scandant "Kaolichedge"
"Kaolichedge"
MERCI MONSIEUR CHOCOLAT DE CET INSTANT QUE VOUS AVEZ BIEN
VOULU PARTAGER AVEC MOI;
Et le poète Slhaddine Haddad , né aussi à Menzel Bourguiba - en
1943. Il a fréquenté les écoles publiques de garçons, licencié
d'histoire, il demeure et enseigne à Tunis - a publié dans
différentes revues en Tunisie, en France, en Belgique et au canada.
Il me dédie un de ces livres de poèmes , en souvenir de la vie et
de la nostalgie de ce que nous avons cru perdre.
Pour un ami de passage.
Il y a ainsi des visites qui apaisent.
Et que l'on préfère aux batailles,.
Du pain rassis et des poivrons brûlants,.
Que l'on souhaitait manger en paix
Même sur les berges du lac de l'Ischeul
Les buffles d'eau étaient plus rares,
Sans le vouloir,
Ils avaient participé à la deuxième guerre mondiale,
Nous,
on avait regarder les gens partir.
ce n'était pas un premier avril.
il y avait aussi la peste et ses cousines germaines
Un espoir malingre s'éclipsant dans le regard des autres.
Slhaddine Haddad
Je ne vais pas quitter Menzel, sans aller flâner sur le lac de
Tindja, j'ai promis à des amis et parents, de repérer d'anciennes
fermes.
c'est la saison des vendanges.
Il faut s'enfoncer dans les terres pour apercevoir les
vendangeurs. Les vendanges sont encore faites à la main.
beaucoup de vignes ont été arrachées et remplacées par du blé, plus
rentable et plus en accord avec le pays.
Le vin est pourtant bon, j'aime beaucoup le Pinot noir -
le
vin de chez Tardi, à boire avec modération bien sur.
Deux anciennes maisons attirent mon attention sur la route de
l'Ichkeul, la première la Maison IRACANE -
l'autre une magnifique ferme avec une majestueuse entrée avec des
colonnades , la Maison BOSCO -
La barraka est avec moi, le Maître des Lieux - m'invite en toute
simplicité à prendre le verre de l'amitié -
De belles et vastes pièces dont les murs sont recouverts de carreaux
de faïences colorée , le sol est en marbre ainsi que le vaste
escalier menant au 1er étage, vue dégagée sur la montagne de
l'Ichkeul ou sur les vergers bien entretenus.
ah, j'oubliais!, Sam me parle aussi d'une chapelle désaffectée, au
sous-sol, témoin des cérémonies religieuses des agriculteurs du
coin.
Là aussi la vigne a été remplacée par du blé, de beaux champs
d'oliviers, la récolte sera bonne cette année .
un autre poème de Slaheddine Haddad que je trouve de circonstance.
Ils étaient Italiens et paysans,
ces voisins qui partageaient
les macaronis, les côtelettes de porcs
et les légumes du verger
Nous,
on les regardait venir,
à l'encontre de ce qui pouvait ravir
sans blesser,
l'émerveillement venait de la terre
qui ne savait pas refuser
sans effusion,
le thé vert à la menthe, le couscous au mérou
et, nos soirées communes permettaient
de continuer ce que nous avions construit
en silence.
Slaheddine Haddad
Merci Slaheddine de l'attention que tu as bien voulu
m'accorder et de tes poèmes que je ne manquerai pas de faire
partager à d'autres personnes.
il me faut aussi parler de Tunis : de ses beaux magasins, du
café "Bondin" des souks et du café "la Rotonde" avec son toit
ouvrant - ma visite au Colisée, au palmarium, à la
cathédrale de Tunis, petite halte à la Madona di Trapani. Vous
savez : celle que l'on promenait pour le l5 Août sur un char à
bras porté par des personnes de confessions différentes
- la Madone parée de ses plus beaux bijoux - qui
sillonnait les rues de la ville accompagnée de beaux cantiques :
"Soyez la Madone qu'on prie à genoux, qui sourie et
pardonne chez nous , chez nous "
j'arrête de rêver, sinon je risque de rencontrer le fantôme de "Habiba
Msika" la belle et célèbre chanteuse des années vingt . Cette
artiste , aimée, adulée, adorée,et qui eut une fin tragique
puisqu'elle fut brûlée vive par un amant éconduit en l930. Elle
n'avait que 32 ans.
les fans de la chanteuse étaient surnommés "les soldats de
la nuit" les célèbres Asseker Ellil -
Petite visite aussi aux sites archéologiques de Carthage, à
la cathédrale Saint Louis,
avec son gisant : le bon Roi Saint Louis mort à Tunis de la
Peste et dont la légende dit qu'il ne serait autre que Sidi Bou Saïd
.......mais là ! je ne vais pas m'attirer les foudres des
historiens.
Je remercie les nouvelles personnes que j'ai rencontré:
Danièle et
Habib Hentati qui m'ont fait le plaisir de venir partager un repas
avec nous à Bizerte..
Merci à Sophie, Huguette, Halima et Ahmed , ........... Monsieur
Chocolat, Béchir, ses frères et soeurs ,Samy, Rosario- Malek , Titi
et sa petite famille, le docteur .............
, Slhaddine Haddad - le poète , sans qui mon voyage n'aurait pas eu
la même saveur ..
La période de Ramadan étant proche, je souhaite à tous un bon jeun
et de bonnes fêtes de l'aïd - Mesdames, à vos fourneaux , préparez
de bons gâteaux au miel, comme vous savez si bien faire. Liliane
Randazzo
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