Avec l’autorisation De Claude RIZZO, notre compatriote de Ferryville
Extrait de l’ouvrage « Tunisie de notre Enfance »
Editions l’infini, 29 rue Edouard Scoffier-06300 Nice
Ferryville de mes amours.
Il était une ville qui, dans
l’épopée de la Régence, méritait bien une place à part. Une cité édifiée par la
France, des fondations à la toiture. La seule dans toute l’histoire du
Protectorat. Notre belle patrie ayant toujours su investir nos deniers à bon
escient, sur du très long terme.
L’agglomération bouclait,
dans sa partie la plus orientale, le grand complexe aéro naval construit autour
du lac de Bizerte, relié à la mer par un canal creusé par les Romains.
Ferryville était française
et le savait. Tout était français à Ferryville : le nom des rues, les bâtiments,
la façon de se conduire, et peut-être même les Arabes.
Qui, en Tunisie, ne rêvait
pas de vivre à Ferryville, dans l’aisance offerte par les salaires versés par
la Marine, où les garçons, dès quatorze ans, se voyaient pris en charge par le
centre d’apprentissage, porte ouverte sur une carrière à l’Arsenal où
l’existence coulait tel un long fleuve tranquille.
J’avais quitté Tunis par
l’autobus du matin. Quelques minutes plus tard, comme Ulysse accostant une
terre inconnue, je vis apparaître le Bardo. Le frisson de l’aventure vint alors
me chatouiller les omoplates. Que de découvertes en une seule journée !
Mon premier voyage, mon premier autocar, et ma première solitude en désertant
le quartier où j’étais né, que je n’avais jamais trahi en dormant ailleurs une
seule nuit. Et me voici sur les routes pour un périple qui devait me conduire à
soixante kilomètres de là ; autant dire au bout du monde.
Marie, l’aînée de mes
cousines, m’avait invité à Ferryville pour y passer trois semaines. Des
vacances à rendre envieux nos voisins les plus fortunés : les Zuccaro, les
Sammut et les Nataf, qui eux, devaient se contenter de villégiatures à La
Goulette ou à Khérédine, à deux coups de rail du TGM. Et Ferryville, sans
vouloir me flatter, c’était quand même autre chose.
Ma cousine avait épousé l’un
des fils Zarb de la boucherie chevaline de la rue Malta Séghira.
Georges Zarb appartenait à
l’engeance qui pense que les figues de barbarie sont plus tendres ailleurs.
Encore adolescent, pris sans doute par le vertige des espaces exotiques,
celui-ci s’en était allé tenter sa chance dans le Grand Nord. Son diplôme
d’ajusteur de l’Arsenal de Ferryville en poche, il fut, le temps de son service
militaire, muté en toute logique dans la Marine. Son retour dans le quartier,
lors d’une permission, lui valut un triomphe. Notre premier marin. Un vrai,
avec un béret à pompon, un tricot rayé et une vareuse bleu foncé. Les enfants
lui faisaient cortège en se battant pour porter son sac, les jeunes filles lui
souriaient du coin de l’œil et les mères espéraient en soupirant. Peine perdue.
Le héros du nouveau monde ne pouvait convoler que dans notre famille. Ainsi
nous mariâmes Marie et Georges, par un bel après-midi d’avril, où la salle
maltaise reçut plus de deux cents invités.
Dix-huit mois plus tard, le
temps de les laisser s’installer et mettre un bébé en route, me voici dans cet
autocar, ma valise à mes pieds et un couffin sur les genoux. Un couffin où ma
tante avait mis quelques provisions pour la route : deux œufs durs, un
morceau de boutargue et son pain frais, un ftaïr de chez Béchir, le
marchand de beignets, six makrouds, quelques dates farcies et une bouteille
d’orgeat. De quoi traverser l’Atlantique. Elle était comme ça ma tante Ménouna.
Une vraie mère juive dès que je voyageais en autobus.
J’avais quitté Tunis à neuf
heures du matin, sous une chaleur de purgatoire. En descendant du bus deux
heures plus tard, j’eus l’impression d’être revenu au printemps. Un petit vent
tiède me caressait le visage, pénétrait par les manches de ma chemisette, me
rafraîchissait les aisselles.
Je reçus l’accueil réservé à
celui qui arrive du vieux continent. On voulait tout savoir. On me pressait de
questions. Le téléphone n’avait pas encore été inventé pour les Maltais de ma
tribu. Et les lettres, supplice de mécréants, n’étaient utilisées qu’à trois
occasions : les décès, les mariages et les baptêmes.
Alors, centre du monde, je
racontais les derniers potins de Bab el-Khadra : les fiançailles de la
fille Anastasi avec le second des Farrugia, celui qui jouait de la musique avec
son accordéon, l’enterrement de ce pauvre Salvatore Cocchi, tué par sa maladie
de cœur, qui laissait trois orphelins sans compter la veuve.
— Je crois que je vais
sortir un peu. J’ai envie de prendre l’air et de visiter la ville, ai-je dit à
ma cousine après avoir rapporté tous les événements qui faisaient jaser dans
notre verre d’eau tunisois.
— Tout seul ; mais tu
vas te perdre !
J’avais souri.
— Tu oublies que j’entre en
sixième au lycée Carnot. Et puis j’ai une langue quand même. La quatrième
maison sous les arcades en partant de l’église. Et tu m’as dit qu’à Ferryville
il n’y avait qu’une seule église. Il faudrait avoir un cerveau en courge rouge
pour se perdre.
Marie avait tenu malgré tout
à m’écrire son adresse sur un bout de papier.
— Et que notre bon saint
Paul veille sur toi, me dit-elle alors que je m’apprêtais à sortir.
J’avais hoché la tête,
ennuyé que l’on dérange notre saint Patron pour si peu.
— Tu sais, je ne vais pas à
Tataouine. Juste un tour, et je reviens.
Ferryville possédait ce
petit rien venu de France, que nous, immigrés de pays de misère, n’avons jamais
pu égaler. Les façades des immeubles devaient recevoir leur content de
peinture, les jardinets des villas étaient fleuris comme notre cimetière un jour
de Toussaint, et le vent manquait de papiers gras pour jouer au cerf-volant.
Sans vouloir me vanter,
c’était beau Ferryville. Mais que c’était petit.
J’avais pris l’avenue de
France, admirant les magasins où l’on sentait bien que les gens ne marchandaient
pas pendant des heures pour ne rien acheter. J’avais découvert le Monoprix,
aussi grand que notre marché, les odeurs et les cris des vendeurs en moins.
Encore trois pas, passant devant quelques cafés à l’européenne, j’arrivais face
à une porte qui bouclait l’horizon. L’entrée de l’Arsenal, comme je l’appris
plus tard.
Un tour par l’avenue Carnot,
le temps de longer le mess des sous-officiers, le foyer des marins et les
jardins des ouvriers de la DCAN.
À Ferryville, mieux valait
travailler pour la Marine. Les autres, ceux qui n’avaient pas cette chance,
devaient passer leurs dimanches à jouer à la schoukba.
Et c’est en retrouvant
l’avenue de France par le Boulevard Carnot et l’avenue Amiral Courbet que la
sirène me fit sursauter. Je m’attendais à voir apparaître le camion des
pompiers, avec son échelle et tout le barda. Et là, j’allais assister à un
spectacle qui me laissa pantois. Une étape du Tour de France, comme on voyait
aux actualités, avant le dessin animé et le grand film. Mais ici, quelques
malins participaient à la course en mobylette. Derrière eux, sans espoir de les
rattraper, arrivait un peloton de jeunes coureurs qui appuyaient en vain sur
leurs pédales. Venaient ensuite les bons papas, qui discutaient en groupes, se
moquant sans doute du classement final. Un quart d’heure à voir passer la plus
grande course au monde. Puis, les retardataires s’étant éparpillés dans les
rues avoisinantes, un grand silence succéda à la cohue. On se serait cru à
Tunis, après le coup de canon annonçant la fin du jeûne du Ramadan.
— C’est la sortie de
l’Arsenal, m’apprit ma cousine en déjeunant.
À voir les ouvriers se
précipiter avec autant de hâte, je me demandais si l’Arsenal ne ressemblait pas
un peu à l’école, où l’on vous oblige à apprendre des choses que vous ne
connaissez pas. Ce qui explique que j’ai toujours été ravi d’entendre la cloche
de quatre heures et demie, et beaucoup moins celle du matin.
— Ici, presque tout le monde
roule en vélo, ajouta son mari. Et ta cousine et moi, nous avons chacun le
nôtre. Si tu veux, je t’apprendrai à en faire.
La première leçon ne fut pas
à ma gloire. Dans ma famille de conducteurs de fiacres, nous étions plutôt
chevaux que bicyclettes. Quelques jours plus tard, poursuivant mon
apprentissage en solitaire, j’étais conquis par le vélo. Ce dernier devait
mettre bien du temps avant de me rendre mon affection.
J’avais un copain à présent.
Gaspard allait fêter ses treize ans. Moi, profitant de pousser comme une
asperge sauvage, je m’étais accordé un an de plus.
— Je vais rentrer en
quatrième, avais-je dit, remettant les montres à l’heure, retrouvant ainsi
l’année que je m’étais offerte, plus celle que j’avais laissée en route, à la
poursuite d’un français qui n’était pas le nôtre.
Gaspard gobait toutes les
histoires que je lui racontais, celle-ci et d’autres encore. Les amis de
vacances, c’est bien pour ça. Avec eux, on peut se flatter en leur sortant des
tas de mensonges. Ils n’iront pas à Tunis pour contrôler.
Ce matin-là, dans une
émotion de jour de communion, je me préparais à mon baptême du feu vélocipède.
Mon fidèle Gaspard m’accompagnait.
Au rythme d’un dromadaire en
villégiature, mettant pied à terre dès qu’un véhicule à moteur apparaissait à
l’horizon, j’avais remonté la rue de l’hôpital. Encore un effort, et nous
étions arrivés à Guengla.
Dans les livres, j’avais
toujours vu la mer avec des navires. Ici, pas la moindre embarcation à
l’horizon, si ce n’était les bateaux des enfants qui jouaient sur la plage. Je
m’en étonnai auprès de Gaspard.
— D’abord ce n’est pas une
mer, c’est un lac, me répondit-il.
— Un lac !
Je n’en revenais pas.
— Celui de Tunis est si
petit, que l’été, avec la chaleur et l’évaporation, tu n’as même plus de lac.
— C’est un lac, mais c’est
aussi une mer, précisa Gaspard. Et ça, depuis que les Romains ont creusé un
canal qui le relie à la vraie mer.
J’eus un instant
d’admiration. Il n’y a pas à dire, ils étaient fortiches ces Romains. Non
seulement ils vous construisaient des ruines qu’on peut voir dans tous les
livres d’histoire, mais en plus, ils prenaient un lac, et vous rendaient une
mer.
— Mais alors, si c’est quand
même une mer, il devrait y avoir des bateaux, m’étais-je étonné.
— Il ne peut pas en y avoir
ici. C’est une zone maritime.
— Parce qu’il y a des mers
qui ne sont pas des zones maritimes ?
— Une base militaire, si tu
préfères.
Gaspard m’avait abandonné à
mon scepticisme.
— J’espère que tu as apporté
ton maillot de bain ? me demanda-t-il.
La question, ainsi posée,
laissait supposer que le maillot de bain faisait partie du paquetage de tout bon
citoyen ferryvillois.
— On oublie toujours quelque
chose quand on fait sa valise, ai-je affirmé en grand voyageur. Cette fois-ci,
c’est le maillot de bain.
— C’est pas grave. Je t’en
prêterai un qui me va trop petit. Demain, on ira se baigner avec mes copains et
mes copines. Je te les présenterai.
Je me sentis soudain mal à
l’aise dans mes espadrilles. Bien des défis s’annonçaient en une seule
journée : Remonter en selle et suivre un groupe de fous du vélo, me mettre
en maillot de bain, et affronter la mer pour conclure. Le spectacle de cette
eau verdâtre, qui n’arrêtait jamais de bouger, m’avait déjà donné quelques
sueurs froides. L’idée de la défier en personne me tiraillait à présent le
bas-ventre. Et toutes ces nouveautés sous le regard de filles qui n’étaient ni
mes cousines et encore moins mes sœurs.
— L’été, on commence
toujours par aller se baigner, à Guengla ou à Rondeau, poursuivit Gaspard.
Ensuite, nous allons à la ferme Boutet, à cause de l’ombre des eucalyptus. Et
là, nous restons au moins jusqu’à sept heures.
— Et vous faites quoi à
cette ferme Boutet ?
— On embrasse les filles.
J’avais hoché la tête. Les
filles m’intéressaient à présent. Je ne savais pas pourquoi, mais elles
m’intéressaient. Et les embrasser, comme à la fin des films, me parut un
excellent exercice. Mais hélas, à Tunis il fallait d’abord « fiancer les
filles avant de les embrasser. » Et même pas sur la bouche. Ça faisait
mauvais genre.
— Je viendrai me baigner
avec vous. Ensuite, je rentrerai chez ma cousine. Dans notre quartier, on ne
reste pas comme témoin quand les copains embrassent les filles, avais-je dit
retenu par la pudeur, malgré mon désir de bénéficier d’une leçon de sciences
naturelles.
— Eh bien, figure-toi que ça
peut arranger tout le monde que tu sois là. Nous sommes trois garçons pour
quatre filles dans la bande. Véronique n’a pas de copain en ce moment. Et si tu
lui plais, elle t’embrassera comme les autres.
Gaspard avait annoncé
l’éventualité comme on pose un problème d’arithmétique. Et j’eus bien du mal à
dominer ma machine. Il me fallut faire appel à toutes mes compétences cyclistes
pour ne pas aller saluer le macadam. Et tomber de vélo à Ferryville, vraiment,
ça ne se faisait pas.
Je n’avais jamais croisé de
rouquine aussi flamboyante. Tous les dégradés, du blanc écru au noir de jais,
étaient présents chez nous. Mais le rouge vif ne figurait pas sur notre
palette. L’exotisme aidant, Véronique me parut irrésistible.
J’avais, ce jour-là, pédalé
de tous mes poumons. Peine perdue. Les autres s’étaient déjà mis en maillot de
bain quand j’arrivai en tirant la langue sur le lieu de tortures. Le reste de
la troupe nageait vers le ponton. J’entrai dans l’eau à pas comptés, m’arrêtant
dès qu’elle m’arriva aux genoux, avant de barboter avec l’élégance du
métropolitain qui se livre à la danse du ventre. Ils revenaient vers moi. Je
voulus les imiter par quelques gestes virils. Deux gorgées d’eau saumâtre
vinrent récompenser ma témérité.
Je me sentais aussi ridicule
qu’un cocher maltais laissant échapper son attelage. Et quelle fut ma surprise
quand Gaspard vint me souffler à l’oreille : « Je crois que
Véronique et toi, ça peut marcher entre vous. » J’en fus stupéfait, avant
de connaître la panique.
Sur le chemin du retour,
exténué par tant de records sportifs à la fois, je ne tentais même plus de
donner le change. Véronique m’avait attendu.
— À la fête des apprentis,
je t’embrasserai sur la bouche, m’annonça la belle, sans mettre dans son propos
toute l’émotion que méritait une telle déclaration.
Je cherchais une belle phrase,
digne de fêter l’événement. Véronique ajouta :
— J’espère que tu
n’embrasses pas de filles en ce moment.
— Et pourquoi ? ai-je
demandé, afin de pousser ma conquête vers de tendres aveux.
— À cause des microbes.
Mauvaise intuition. Je
m’empressai de changer de direction.
— Et c’est quand cette fête
des apprentis ?
— Le quatorze juillet.
Cinq jours à attendre avant
de faire un grand pas dans le monde des séducteurs. Après tout, ce n’était pas
la « mer à voir. »
Intrigué par cette fête
païenne, considérée ici comme l’événement de l’année, je m’étais adressé à ma
cousine.
Marie ne trouvait pas de
termes assez emphatiques. À l’écouter, l’occasion rassemblait les réjouissances
de Pâques, de l’Aïd et du Kippour à la fois. Une kermesse comme on ne l’imagine
même pas, avec des attractions comme on n’en voit nulle part ailleurs. Des
animations, des spectacles et bien d’autres divertissements. Et pour clôturer
la journée, le plus grand bal de toute la Tunisie, donné par un orchestre de
vingt-cinq musiciens.
Je n’en étais plus à une
nouveauté près. Grâce à Ferryville, j’assisterais à mon premier bal public, où
je ferais sans doute quelques pas sur la piste. Et je percevais que la danse,
tel le vélo et la natation, compterait bientôt un talent de plus.
Une longue procession
rappelant celle de l’Immaculée Conception : les habitants se dirigeaient
vers le centre ville. Les femmes étaient habillées comme des sapins de Noël et
dégageaient toutes les odeurs du souk aux parfums. Les hommes s’étaient mis sur
leur trente et un. Excités comme un jour de fin des classes, les enfants
couraient devant eux afin d’occuper les meilleures places durant la fameuse
retraite aux flambeaux qui ouvrait les festivités.
À l’endroit convenu, là où
m’attendait mon tendre rendez-vous, je découvris Martine.
— J’ai une commission pour
toi de la part de Véronique. Elle te dit qu’elle ne viendra pas et qu’elle a
décidé d’embrasser un autre garçon.
Message délivré avec tant de
délicatesse, Martine s’en alla retrouver son copain.
J’étais en état de vexation
totale. Le premier choc passé, bien décidé à faire valoir mon antériorité,
j’avais cherché Véronique dans la foule. Je finis par la retrouver, alors que
la fête tirait à sa fin. Elle était accompagnée par un vieux, qui devait avoir
au moins dix-sept ans. Ma vengeance n’en fut que plus terrible. Croisant le
pouce et le majeur de chaque main, un geste conseillé à tous les jeteurs de
sorts, je souhaitai que Véronique s’achoppe les pires microbes dans les
baisers de la trahison : ceux de la scarlatine, de la rougeole et des
oreillons.
Je quittai Ferryville la semaine suivante, n’ayant embrassé que ma cousine sur les deux joues. Sur le chemin du retour, je fis un serment en deux volets, crachant à terre afin de prouver que ma volonté était en acier inoxydable : je jurai que je ne mettrais plus les pieds dans cette ville où les filles vous faisaient avaler des « vessies pour des couleuvres. » Et je me promis aussi de ne plus chercher à embrasser de filles, du moins jusqu’au jour de mes fiançailles, où je me choisirais une de chez nous, où il n’y avait pas de fêtes des apprentis.
Mais le coquin de sort,
jouant de nous comme feuilles de figuier au mistral, devait me renvoyer à
Ferryville. Un retour en citoyen reconnu et patenté, et non plus en estivant
maladroit et ridicule.
Et c’est ainsi que je devins
un expert en bicyclette, un nageur émérite et un spécialiste du baiser à la
ferme Boutet.
Un soir de fête des
apprentis, après m’être usé la bouche en travaux d’approche, une Bretonne dans
toute sa bonté me fit découvrir la caverne d’Ali Baba qui se cache sous les
jupes des filles.
Aujourd’hui, où toutes mes
héroïnes doivent cultiver leurs talents de grand-mère, je me rends compte que
je pourrais les rencontrer sans les reconnaître, excepté l’une d’entre elles :
Véronique, dont je n’ai jamais oublié le visage.
Je peux l’affirmer sans
vouloir me flatter : Ferryville fut bien la ville de mes amours.